L'artiste
collectionneur. Jean-Jacques
Lebel, Hans-Peter
Feldmann, Mark
Dion et Gérard
Collin-Thiébaut
École des beaux arts de Rennes – EESAB. Étienne Taburet
Cherchez l'artiste - La créativité en question n°8/9:Introduction à partir des notions de cabinet de curiosités et des Chambres des merveilles.
Jean-Jacques Lebel
un artiste protéiforme, accumulateur, rassembleur, collectionneur à sa manière,
Jean-Jacques Lebel
est un artiste, historien d'art, commissaire d'exposition.
Depuis l'enfance, il se nourrit de la pensée des plus grands qu'il a connus lors de l'exil de ses parents aux Etats-Unis comme, entre autres, Marcel Duchamp et André Breton. A l'adolescence il devient surréaliste puis, à la suite de son exclusion, rejoint les mouvements libertaires et anarchistes. Engagé contre la guerre d'Algérie, il organisera plusieurs manifestations artistiques et aura l'idée du grand tableau antifasciste. Dès le début des années soixante, il rejoint le mouvement beat et devient l'ami de Burroughs, Brion Gysin et inventera alors dans toute l'Europe des happenings. Artiste, il est aussi poète et collecteur et, malgré ses 77 ans, conserve son ardeur et son énergie pour protester, perturber la société de consommation.
Laurent Le Bon m’a invité à présenter une installation inédite de grande dimension, dans son exposition «1917» au Centre Pompidou–Metz qui ouvrira prochainement. Ce sera l’occasion d’un face à face entre l’art brut des poilus et les chefs-d’œuvre (reconnus longtemps après coup) de Picabia, de Duchamp, de la collaboration entre Schamberg et la Baronne Elsa von Freytag-Loringhoven et de Brancusi, datant de la même époque en pleine Première Guerre mondiale. La mise en question des relations conflictuelles entre Histoire et histoire de l’art, subjectivité et société ne fait que commencer.
Hans-Peter Feldmann
UntitledInstallation of 15 found paintingsDimensions variable
THE HUGO BOSS PRIZE 2010: Hans-Peter Feldmann, Solomon R. Guggenheim Museum, New York, May 20–November 2, 2011
Mark Dion
« Ce qui m’intéresse à Digne,
c’est la chance qui m‘est offerte d’explorer l’utilisation de spécimens
historiques qui n’ont plus guère d’importance pour la
science et de m’interroger sur la valeur qu’ils acquièrent dans le
cadre d’une exposition d’art contemporain. Là, je peux également étudier
le musée en tant qu’il constitue le premier modèle
historique de représentation d’un microcosme. Il faut savoir qu’un
tel musée est rare dans la mesure où la plupart des instituions de ce
type, qui ont une collection encyclopédique, se sont
débarrassées des éléments jugés de moindre valeur. Bon nombre ne
possèdent plus leur collection d’histoire naturelle ou d’ethnographie et
se sont transformées en simples musées d’art. Grâce à la
perspicacité et à la sensibilité esthétique des conservateurs, le
Musée Gassendi à Digne possède une collection, certes bizarre, mais
intacte. »
« Je fais toujours deux sortes de collections : l’une est ma propre collection, l’autre rassemble les choses dont j’ai besoin pour mon travail. Lorsqu’il s’agit de la réalisation d’une oeuvre, je peux être très extravagant ; en revanche, je suis très économe lorsqu’il s’agit de mes objets personnels. Je ne suis pas obsessionnel mais plutôt pragmatique. Je garde le contrôle… Pour le travail ma collection est très précisément orientée. Je ne saurais expliquer exactement pourquoi je vais choisir tel marteau, par exemple, plutôt qu’un autre. Ça ne peut s’expliquer qu’en termes de sensibilité. J’accumule des objets qui ont une patine d’usage, mais c’est bien plus que cela […] Je possède une grande quantité d’objets, car je suis avant tout un visuel. Tout m’inspire : les objets, les photographies, les images, autant que les livres d’histoire, de littérature et de philosophie. Je déteste les espaces vides ; pour moi une maison doit être remplie de choses […] Je préfère les objets qui sont passés par d’autres mains. Je ne suis qu’un moment de leur vie, ils ne finiront pas avec moi, je ne suis qu’un possesseur temporaire. Dans un musée au contraire, les choses disparaissent dans les réserves et, la plupart du temps, on ne les revoit plus. Elles deviennent figées, perdent leur valeur d’usage. »
« Je fais toujours deux sortes de collections : l’une est ma propre collection, l’autre rassemble les choses dont j’ai besoin pour mon travail. Lorsqu’il s’agit de la réalisation d’une oeuvre, je peux être très extravagant ; en revanche, je suis très économe lorsqu’il s’agit de mes objets personnels. Je ne suis pas obsessionnel mais plutôt pragmatique. Je garde le contrôle… Pour le travail ma collection est très précisément orientée. Je ne saurais expliquer exactement pourquoi je vais choisir tel marteau, par exemple, plutôt qu’un autre. Ça ne peut s’expliquer qu’en termes de sensibilité. J’accumule des objets qui ont une patine d’usage, mais c’est bien plus que cela […] Je possède une grande quantité d’objets, car je suis avant tout un visuel. Tout m’inspire : les objets, les photographies, les images, autant que les livres d’histoire, de littérature et de philosophie. Je déteste les espaces vides ; pour moi une maison doit être remplie de choses […] Je préfère les objets qui sont passés par d’autres mains. Je ne suis qu’un moment de leur vie, ils ne finiront pas avec moi, je ne suis qu’un possesseur temporaire. Dans un musée au contraire, les choses disparaissent dans les réserves et, la plupart du temps, on ne les revoit plus. Elles deviennent figées, perdent leur valeur d’usage. »
Gérard
Collin-Thiébaut
Gérard Collin-Thiébaut, une expo pour de faux
Gérard Collin-Thiébaut, une expo pour de faux
ARTS. L'exposition ne montre aucune oeuvre originale mais des photos
de
peintures et sculptures du Frac de Bretagne présentées dans un
classeur, à la manière d'un philatéliste. Cet ensemble, ainsi agencé,
devient-il à son tour une oeuvre?
Gérard Collin-Thiébaut, une expo pour de faux GÉRARD COLLIN-THIÉBAUT commissaire des collections du Frac Bretagne à la galerie du Théâtre national de Bretagne, 1 rue Saint-Hélier., Rennes. Tél. 99.31.55.33. Jusqu'au 5 février.
Rennes, envoyé spécial LE PRINCIPAL ALIBI des musées vient de voler en éclats. Gérard Collin-Thiébaut présente une exposition de reproductions. La raison d'être d'une cimaise ne devrait-elle pas être au contraire de suspendre au regard une oeuvre certifiée originale? Qui se précipiterait au Louvre si l'authenticité de la Joconde n'était pas certifiée, s'il n'y avait que des copies ou des faux à contempler, si l'album d'images et le catalogue s'étaient substitués aux toiles? L'artiste transformé ici en commissaire s'était d'ailleurs déjà attaqué au problème en proposant une collection qu'il avait intitulée Miroir du monde et dont le premier thème était justement le chef-d'oeuvre de Vinci.
Dès le lendemain du vernissage, la longue salle qui s'étire au premier étage du Théâtre national de Bretagne est à peu près déserte. Faut-il voir dans cette désaffection le peu de goût que le public manifeste quand on propose à son admiration de vulgaires ersatz en place des oeuvres uniques et originales ordinairement offertes en spectacle? Collin-Thiébaut a choisi de montrer un certain nombre de peintures et sculptures parmi la collection du Fonds régional d'art contemporain (Frac) de Bretagne. Mais plutôt que de faire part de ses goûts et points de vue, il a préféré ne retenir de ces oeuvres que leurs images photographiques. Ces reproductions lui ont été fournies par les publications du Frac de telle sorte qu'il dispose de l'ensemble iconographique concernant chacune des oeuvres à l'exception, bien sûr, de... l'oeuvre elle-même! On se dit d'abord que c'est tout bénef. Qui, en effet, se risquerait à voler de simples reproductions? Qui aurait envie de les déchirer, les lacérer ou les brûler? Pas de cambrioleurs, pas de vandales, les compagnies d'assurance se frottent les mains. Est-ce vraiment si simple? Car si ces images n'ont aucune valeur par elles-mêmes, à partir du moment où elles sont retenues par un artiste, arrangées par lui dans un certain ordre et placées sous vitrine dans des sortes de pupitres, ne deviennent-elles pas de facto oeuvre de l'artiste en question et donc, à ce titre, soumises au même statut que n'importe quel tableau? Invitation à se pencher A l'appui de cette considération, la présentation toute particulière de ces reproductions. Elles sont glissées dans des feuilles plastifiées de classeur comme s'il s'agissait de la mise à plat de documents d'archives. Ce caractère documentaire est renforcé par la disposition quasi horizontale des pupitres, mise en scène qui s'apparente davantage à celle des manuscrits que des oeuvres plastiques. Le visiteur est invité à se pencher pour examiner sous verre les pages d'un classeur ornées de clichés un peu à la manière d'un album de philatéliste. Et c'est bien la position du collectionneur qui est ainsi sollicitée avec l'accent porté sur la manie du rangement, la méticulosité de la présentation, la prétention à l'exhaustivité.Le geste de Collin-Thiébaut est donc doublement décevant. Il déçoit l'attente du visiteur de musée se préparant à observer des oeuvres d'art «en vrai». Il déçoit aussi le plaisir du collectionneur à qui il renvoie en plein regard l'inanité de sa compulsion à thésauriser. Est-il en effet rien de plus stupide que de conserver précieusement des images reproductibles à l'envi et accessibles dans n'importe quelle boutique? Un pied de nez au culte de l'original et à la valorisation (marchande, plastique) de l'oeuvre d'art, l'entreprise de l'artiste-commissaire ne s'embarrasse d'un excès ni de respectabilité ni de sentimentalité. Mais son intervention dépasse néanmoins le simple stade de l'agit'prop. Son activité ne consiste pas seulement à mettre les pieds dans le plat de l'institution. A preuve, la présence d'une véritable oeuvre sur le mur le plus éloigné de la porte d'entrée comme s'il fallait encore faire signe d'une pseudo-vérité en peinture. Pour qui ne visite l'exposition qu'une seule fois, l'accrochage de cette unique oeuvre authentique prend un relief particulier. Une brèche dans l'indifférence du regard En revanche, dès qu'on apprend qu'elle est remplacée périodiquement par une autre pièce de la collection bretonne, son exemplarité s'estompe. Au profit de quoi? D'une perspective cavalière de l'exposition en général et de l'accrochage en particulier. Rien pourtant de pessimiste ni de désespérant dans pareille démarche. Car il arrive qu'au fil des coups d'oeil lancés ici et là sur les petites photos sagement rangées, une image ébrèche l'indifférence du regard. Avait-on oublié que l'art, et pas seulement contemporain, peut très bien se découvrir hors des musées, sur une carte postale, par exemple, sur un livre de vulgarisation ou sur une page de journal? Gérard Collin-Thiébaut ressemblerait à ces amoureux qui ne peuvent s'empêcher d'adorer l'image de leur bien-aimée n'importe où et sous n'importe quelle occurrence. Seuls ceux qui manquent singulièrement de passion y trouveront à redire.
Hervé GAUVILLE
Gérard Collin-Thiébaut, une expo pour de faux GÉRARD COLLIN-THIÉBAUT commissaire des collections du Frac Bretagne à la galerie du Théâtre national de Bretagne, 1 rue Saint-Hélier., Rennes. Tél. 99.31.55.33. Jusqu'au 5 février.
Rennes, envoyé spécial LE PRINCIPAL ALIBI des musées vient de voler en éclats. Gérard Collin-Thiébaut présente une exposition de reproductions. La raison d'être d'une cimaise ne devrait-elle pas être au contraire de suspendre au regard une oeuvre certifiée originale? Qui se précipiterait au Louvre si l'authenticité de la Joconde n'était pas certifiée, s'il n'y avait que des copies ou des faux à contempler, si l'album d'images et le catalogue s'étaient substitués aux toiles? L'artiste transformé ici en commissaire s'était d'ailleurs déjà attaqué au problème en proposant une collection qu'il avait intitulée Miroir du monde et dont le premier thème était justement le chef-d'oeuvre de Vinci.
Dès le lendemain du vernissage, la longue salle qui s'étire au premier étage du Théâtre national de Bretagne est à peu près déserte. Faut-il voir dans cette désaffection le peu de goût que le public manifeste quand on propose à son admiration de vulgaires ersatz en place des oeuvres uniques et originales ordinairement offertes en spectacle? Collin-Thiébaut a choisi de montrer un certain nombre de peintures et sculptures parmi la collection du Fonds régional d'art contemporain (Frac) de Bretagne. Mais plutôt que de faire part de ses goûts et points de vue, il a préféré ne retenir de ces oeuvres que leurs images photographiques. Ces reproductions lui ont été fournies par les publications du Frac de telle sorte qu'il dispose de l'ensemble iconographique concernant chacune des oeuvres à l'exception, bien sûr, de... l'oeuvre elle-même! On se dit d'abord que c'est tout bénef. Qui, en effet, se risquerait à voler de simples reproductions? Qui aurait envie de les déchirer, les lacérer ou les brûler? Pas de cambrioleurs, pas de vandales, les compagnies d'assurance se frottent les mains. Est-ce vraiment si simple? Car si ces images n'ont aucune valeur par elles-mêmes, à partir du moment où elles sont retenues par un artiste, arrangées par lui dans un certain ordre et placées sous vitrine dans des sortes de pupitres, ne deviennent-elles pas de facto oeuvre de l'artiste en question et donc, à ce titre, soumises au même statut que n'importe quel tableau? Invitation à se pencher A l'appui de cette considération, la présentation toute particulière de ces reproductions. Elles sont glissées dans des feuilles plastifiées de classeur comme s'il s'agissait de la mise à plat de documents d'archives. Ce caractère documentaire est renforcé par la disposition quasi horizontale des pupitres, mise en scène qui s'apparente davantage à celle des manuscrits que des oeuvres plastiques. Le visiteur est invité à se pencher pour examiner sous verre les pages d'un classeur ornées de clichés un peu à la manière d'un album de philatéliste. Et c'est bien la position du collectionneur qui est ainsi sollicitée avec l'accent porté sur la manie du rangement, la méticulosité de la présentation, la prétention à l'exhaustivité.Le geste de Collin-Thiébaut est donc doublement décevant. Il déçoit l'attente du visiteur de musée se préparant à observer des oeuvres d'art «en vrai». Il déçoit aussi le plaisir du collectionneur à qui il renvoie en plein regard l'inanité de sa compulsion à thésauriser. Est-il en effet rien de plus stupide que de conserver précieusement des images reproductibles à l'envi et accessibles dans n'importe quelle boutique? Un pied de nez au culte de l'original et à la valorisation (marchande, plastique) de l'oeuvre d'art, l'entreprise de l'artiste-commissaire ne s'embarrasse d'un excès ni de respectabilité ni de sentimentalité. Mais son intervention dépasse néanmoins le simple stade de l'agit'prop. Son activité ne consiste pas seulement à mettre les pieds dans le plat de l'institution. A preuve, la présence d'une véritable oeuvre sur le mur le plus éloigné de la porte d'entrée comme s'il fallait encore faire signe d'une pseudo-vérité en peinture. Pour qui ne visite l'exposition qu'une seule fois, l'accrochage de cette unique oeuvre authentique prend un relief particulier. Une brèche dans l'indifférence du regard En revanche, dès qu'on apprend qu'elle est remplacée périodiquement par une autre pièce de la collection bretonne, son exemplarité s'estompe. Au profit de quoi? D'une perspective cavalière de l'exposition en général et de l'accrochage en particulier. Rien pourtant de pessimiste ni de désespérant dans pareille démarche. Car il arrive qu'au fil des coups d'oeil lancés ici et là sur les petites photos sagement rangées, une image ébrèche l'indifférence du regard. Avait-on oublié que l'art, et pas seulement contemporain, peut très bien se découvrir hors des musées, sur une carte postale, par exemple, sur un livre de vulgarisation ou sur une page de journal? Gérard Collin-Thiébaut ressemblerait à ces amoureux qui ne peuvent s'empêcher d'adorer l'image de leur bien-aimée n'importe où et sous n'importe quelle occurrence. Seuls ceux qui manquent singulièrement de passion y trouveront à redire.
Hervé GAUVILLE
Et Amélie Poulain ? Est-ce une artiste ?