Quatrième volet du partenariat entre RCF et la mission de documentation des Halles en commun.
Les
HeC sont un territoire d'innovation sociale et économique installé dans
le quartier de la Courrouze, à Rennes. Un projet d'urbanisme
transitoire qui accueille sur une ancienne friche industrielle une
vingtaine de structures (associations, scop, entreprises) qui partagent
un intérêt pour l'engagement social, l'urbanisme, l'architecture et
l'économie du réemploi. Avec sa gouvernance participative, le projet
porté par la métropole de Rennes affiche des valeurs sociales et
environnementales importantes. Nous questionnons ici les forces et
faiblesses de ce pan du tissu économique, innovant mais fragile.
Nos invités :
- Estel Rubeillon, fondatrice et co-directrice de L'équipière, ressourcerie sportive installée aux Halles en commun;
- Marine Kunstmann, chargée de médiation opérationnelle pour Territoires, l’aménageur public de La Courrouze pour Rennes Métropole;
- Alexandre Colomb, directeur de Bretagne Compétitivité, association de développement économique porté par la Chambre de commerce et d'industrie Bretagne;
- Laurent Prieur, chargé de transition ESS 35 et Ludovic Thomas, responsable de l'incubateur ESS départemental (TAG35);
- Sébastien Sémeril, vice-président de Rennes métropole en charge du développement économique et de l'emploi.
Quelques enjeux de ce moment de radio:
Comment articuler le développement économique et les enjeux de urbain notamment de densification de la ville ?
Comment les acteurs économiques sont-ils intégrés au programme local de l'aménagement économique ?
Les HeC sont-il une technopôle, une pépinière de l'économie sociale et solidaire ?
Les HeC sont-il comparable avec des projets de mixité fonctionnelle comme le projet de ViaSilva ?
Comment ce projet démonstrateurs de la ville durable est-il soutenable pour des projets économiques qui cherchent encore leur business modèle ?
4ème volet ... retrouvez ici les précédentes émissions:
Printemps 2023 - Les occupants du lieu
Décembre 2023 - un projet urbain atypique au coeur de Rennes
Hiver 2024 - ESS, culture, laboratoire urbain
Et pour compléter nos réflexions:
Expérimentation urbaine et espaces de développement économique
Après s'être interrogé sur les formes, il nous a semblé nécessaire d'ouvrir cette deuxième année (de la mission de documentation des HeC) sur
un nouveau ''chantier'' urbain. Les questions de gouvernance et
d'économie ont été en 2024 l'occasion pour la documentation des Halles
en Commun d'ouvrir quelques réflexions urbaines supplémentaires.
Cette nécessité se fonde sur plusieurs points:
> La présentation des Halles en commun comme un site de
développement économique, notamment par les acteurs politiques de la
métropole.
> Les structures présentes aux Halles en commun sont relativement
jeunes (6 structures sur 20 ont plus de cinq ans). Leur modèle
économique n'est pas toujours consolidé dans sa structuration comme dans
son « modèle d'entreprise ».
> La nécessaire implication sur le projet commun des Halles
implique pour les structures occupantes un double enjeu. Elles doivent a
la fois affermir leur modèle et participer a un projet démonstrateur de
la ville durable.
Les défis - qui restent à construire - pour les occupant·es sont nombreux :
Nous pouvons ici citer la structuration du portage immobilier à terme d'un espace des halles ES10.
L'association
des résidents des HeC, l'Amic'Halles, souhaite-elle et peut-elle
s'investir sur ce projet d'urbanisme transitoire ?
Ces structures ont
aussi des formes, notamment associatives (50%), qui viennent interroger
un projet de développement économique habituellement davantage tourné
vers des entreprises.
La construction avec les acteurs du projet des HeC du projet de
développement économique dans un projet urbain transitoire relève ici de
l'innovation. Il semble indispensable de penser l’accompagnement de ces
expérimentations.
La pluri-fonctionnalité économique du site, vécu comme une chance par
les occupant·es,
saura-t-elle être à l’œuvre de ce projet transitoire ?
Le propriétaire public souhaite dédier ce lieu principalement à des
structures de l'économie sociale et solidaire, ESS, tournées vers le
réemploi. Cette mono-orientation paraît contradictoire avec les
expérimentations à l’œuvre dans le cadre du projet transitoire. Les
résidents du projet des Halles en Commun, notamment les commerçants,
appuient leur développement sur les pluri-activités qui y sont
entreprises, notamment les événements public.
En plus des structures de commerce tournées vers le réemploi et
l'économie circulaire, d'autres activités dans le champ, notamment de
l'urbanisme et plus largement de la construction de la ville d'une part
et dans le champ de la culture et du spectacle d'autre part, compose les
occupant·es de HeC.
Il nous semble indispensable d'ouvrir ce projet de développement sur la
place et les enjeux publics.
L'émergence d'une gouvernance pour ce
sous quartier de la Courrouze est à ce titre un levier. Ce projet de
développement civique se doit de proposer un développement qualitatif
désirable et soutenable dans ses objectifs comme dans sa méthode de
faire la ville. La gouvernance des HeC ne doit-elle pas intégrer et
favoriser les expérimentations ici à l’œuvre ?
Le risque d'une
fabrique de la ville transitoire semble une belle opportunité pour être
démonstrateur d'une cité durable et désirable.
Une enquête réalisée en décembre dernier auprès de l'ensemble
des acteurs hébergés aux Halles en Commun est riche d'enseignement pour
ce projet de développement éco-urbain.
Le premier constat que révèle cette enquête auprès de plus de cinquante
personnes est la forte présence féminine (65%). Cette proportion est
égal au niveau national de l'ESS.
Là où nos a-priori nous inviterait
a concevoir les initiatives et les projets économiques comme un fait
majoritairement masculin c'est le contraire qui se révèle ici.
En 2021 les femmes ne représentaient que 12 % des fondateurs de
start-ups numériques.
La présence d'une faible hiérarchie dans la plupart des structures
présentes est aussi à souligner. Ce fait justifie le choix d'une enquête
auprès de l'ensemble des acteurs qui travaillent dans ce site.
Ce
modèle davantage horizontal s'explique peut être par le fort niveau de
diplôme des occupant·es. (67% des sondé·es ont un niveau Master( Bac
+5)).
Il est étonnant de constater un fort développement d'emplois
(50% des sondées sont en poste depuis 2023 ou 2024) signe du dynamisme
des expérimentations ici développées.
La corrélation entre le genre, la faible hiérarchie, le niveau de
diplôme et le niveau des salaires doit particulièrement nous
interpeller.
51% des sondé·es déclarent un niveau de rémunération entre 1 500 € et 2
000 € net par mois et 38% entre 500 € et 1 500 € net par mois. Soit 89%
des occupant·es des HeC ont un niveau de rémunération inférieur à 2 000 €
net par mois.
A titre de comparaison voici les chiffres nationaux de l'Insee en 2023 :
Le salaire net moyen en équivalent temps plein des salariés du privé
est de 2 730 euros. 2660€ pour les professions intermédiaires ; 4570€
pour les cadres).
Le nombre de personnes très diplômées engagées dans les structures
des HeC semblent moins bien rémunérés que dans des projets économiques
plus « classique ».
Comment expliquer que des structures en
développement attirent des personnes ayant de forts niveaux de
qualification soient aussi peu rémunérées ?
Porté
par Territoires et Développement, au service de la métropole, comme
d'autres espaces peut être moins singulier, ce projet public, vitrine de
l'économie sociale et solidaire, interroge.
Lauréat de l'appel à manifestation d'intérêt « démonstrateurs de la
ville durable » les défis de ce projet ne sont-ils pas aussi
d'interroger la création et la répartition de richesse ?
La ville
durable, économiquement viable, socialement vivable et respectueuse de
l'environnement repose sur ces trois points. Les enjeux de l'innovation
ne sont peut-être pas là où on l’imagine !
Le développement économique et urbain semblent ici intimement mêlées.
Comment relevés ces défis pluriels ?
Comment développer ces projets pour créer suffisamment de richesse monétaire pour valoriser leurs exécutants ?
L'occupation temporaire est-elle un temps favorable à la consolidation économique de ces nouvelles structures ?
Quelles solidarités ou collaborations pourront se nouer à partir de ce lieu partagé ?
Quels sont les leviers d'investissement pour un aménageur pour un projet « éco&urbain » démonstrateurs de la ville durable ?
Les investissements aussi conséquent soient-ils, notamment sur le
réemploi des formes du bâti – 7 million d'euros pour la structure en
charpente métallique du bâtiment ES10 – ne peuvent pas à eux seul
démontrer la ville durable à laquelle nous aspirons.
Comment l'urbanisme transitoire et le projet de commun des Halles
peut-il être un levier pour accompagner le développement de ces
structures parallèlement aux développement urbain ?
C'est ces défis d'aménagement et de développement économique qui sont ici à l'œuvre.
Le commun est probablement une piste féconde pour être pleinement démonstrateurs de la ville durable.